L'île Saint Louis est un écrin qui contient de merveilleux hôtels particuliers,
En descendant métro Sully- Morland, nous y sommes presque. Juste le temps d'admirer la statue de Rimbaud, oeuvre de JR Ipoustéguy qu'il a appelée: "L'homme aux semelles d'avant" clin d'oeil au poème de Rimbaud: "L'homme aux semelles de vent"
puis nous pouvons passer, sur la même place devant le pavillon de l'Arsenal (centre d'information, de documentation et d'exposition d'urbanisme et d'architecture de Paris et de sa métropole)
Le soleil est radieux, et la Seine, très haute en point de mire. Nous traversons le boulevard et passons devant un soubassement de la tour de la Liberté du château de la Bastille qui a été découvert en 1899 lors du percement de la ligne n°1 puis déposée dans le square, Il faut savoir que le château de la Bastille n'était pas très grand et ressemblait au château de Tarascon.
En levant son regard, on peut apercevoir le Panthéon en rénovation, celle-ci est une prouesse technique car l'échafaudage est ovale et la grue juchée sur celui-ci.
Les plus beaux hôtels particuliers de l'île se situent sur la face nord et ont cette vue splendide sur la Seine
L'hôtel Lambert, le premier, malheureusement est emballé car en travaux, il a subi un incendie en juillet dernier qui a retardé sa restauration, les eaux pour éteindre ce dernier ont fait plus de dégâts que le feu...Actuellement, c'est la propriété du frère de l'émir du Qatar. Mais s'il porte le nom de son premier propriétaire, il en a vu passer un certain nombre d'autres, dont les quelques derniers les Rothschild , Guy et son épouse qui y logèrent des amis tels le milliardaire chilien Arturo Lopez-Willshaw dit le "roi du guano" comme quoi...les fortunes peuvent être faites avec de la m...et son intime Alexis de Redé qui y firent de grandes fêtes, Ils logèrent aussi ...dans les combles...Michèle Morgan!
De nombreux hôtels ont appartenu à des marchands de fer (en fait de canons et d'armement) à des hauts politiques, à de grands commerçants etc...il y avait tant de beaux hôtels que l'on surnommait l'île: l'île aux Palais. L'un de ces hôtels est devenu le siège de la corporation des boulangers, à l'époque l'on ne fabriquait que des boules et de là est venu le nom de boulangers. Voici quelques reproductions de gravures que l'on peut admirer à l'intérieur
Et voici une gravure très intéressante montrant comment était l'île avant le comblement du bras de Seine qui la séparait en deux, d'un côté l'île aux Vaches (nommée ainsi à cause des politiques) et l'île Notre Dame.
La maçonnerie à l'affiche
Les habitants de l'île que l'on nomme les Ludovisiens ne sont pas nombreux ( à peine 2500) car il y a beaucoup de résidences secondaires...faire ses courses à pied n'est pas évident, il ne reste que peu de commerces de bouche. Mais l'un tient le haut du pavé, il s'agit du glacier Berthillon qui possèdent plusieurs boutiques sur l'île. Ma glace préférée est la marron glacé au cognac...et comme elle est molle, ils en mettent plus...
Berthillon, maison mère
Cinq ponts permettent d'accéder à l'île, le pont Saint-Louis, de la Tournelle,Louis-Philippe,Sully, mais mon préféré est le pont Marie
Il a une histoire particulière, ce magnifique pont, à son origine (1630), il faut imaginer sur les trottoirs actuels étaient installées des maisons devant celle-ci la boutique puis dos à la Seine l'arrière- boutique, plusieurs étages et ce de chaque côté du pont. Au milieu, le passage pour les chevaux et véhicules d'époque. Il y avait 50 maisons mais en 1658, une énorme crue a emporté les deux arches sud avec les 20 maisons qui les surmontaient...il y eut une cinquantaine de morts. En 1660 un pont de bois a rétabli la circulation et en 1769, toute construction sur les ponts fut interdite. Les dernières maisons du pont Marie furent abattues au milieu du XIX ème.
100 ans séparent ces deux portes quasi-mitoyennes
Mon hôtel préféré, à cause des tritons qui décorent la descente des eaux de pluie, à cause de la ferronnerie, à cause des pierres sculptées, à cause de sa magnifique façade, de sa cour...
l'île a été habitée par des personnes au destin tragique , comme Camille Claudel
Lavoisier, célèbre chimiste entre autres qualités scientifiques, en politique, mais malheureusement pour lui, fermier général, ayant été condamné à être guillotiné, lors de La Terreur en 1794 à l'âge de 50 ans, a demandé un sursis de quelques jours afin de finaliser une expérience à Mr Coffinhal qui lui a répondu: "La République n'a pas besoin de savants ni de chimistes, le cours de la justice ne peut être suspendu."...le lendemain de l'éxécution, le savant Lagrange tint ces propos: " Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête,et cent années peut-être ne suffiront pas pour en reproduire une semblable."
Mais peu de temps après, Coffinhal a lui-aussi laissé sa tête dans le panier de la guillotine...
Et puis, il y a les ombres du temps passé, comme celle de Beaudelaire, lequel le promenait, cheveux teints en vert au bras d'une amie noire, maintenant cela est normal mais imaginez à l'époque...et toute la jeunesse accro à la confiture de haschisch, et oui, on le consommait avec du miel, il paraît que les effets sont plus intenses..promenade bucolique sur les bords de l'île, bucolique et rêveuse...
Les noms des rues étaient gravées
les révolutionnaires étaient infatigables et même les noms des rues à consonnances royales en faisaient les frais, étaient grattés, poncés
Une statue aussi a été cassée par les révolutionnaires et le nom de la rue a été tout trouvé
Avec le temps, Poulletier a gagné un e et un l...
Ce rond gravé aussi a été oublié pour notre plus grand bonheur
Une riche américaine parfumeuse de son état a voulu acheter une vitrine pour sa parfumerie dont voici la gravure:
Maintenant cette belle vitrine est dans un musée américain.
Mais la boutique existe toujours, elle s'est enlaidie mais il reste la petite porte qui est toute penchée à présent comme beaucoup de parquets d'appartements (j'ai pu le constater, il n'y a pas que les maisons du Mont Royal de Montréal...)
Et tout aussi triste, les restaurants avec décor d'époque où l'on sert le couscous...
Il fait bon prendre le soleil sur les bords de l'île, boire un petit goût, déguster une glace...
Et puis, il y a l'église, la seule de l'île, dédiée à Louis IX qui serait venu prier sur l'île aux Vaches et qui prit la croix en 1269 avant de partir assiéger Tunis et y mourir. L'église Saint Louis en l'Ile qui à notre époque n'est pas encore achevée...sa construction a commencé en 1623...elle fut ensuite détruite car trop petite, reconstruite...Un campanile s'élevait à la croisée du transept mais la foudre en 1740 l'a détruit et l'on a donc reconstruit le clocher actuel, ajouré pour ne pas donner prise au vent et qui mesure 30 mètres, l'horloge fonctionne avec une tringlerie qui vient du clocher.
Elle possède un orgue récent de toute beauté (qui a remplacé l'ancien) et l'on y joue toutes les semaines, de la musique classique ou baroque.
Les montants des portes ont été dégradés par les révolutionnaires qui voulaient effacer les fleurs de lys mais on arrive encore à les deviner, par contre, ils ont épargné la ferronnerie et l'on voit donc la couronne royale et la fleur de lys
Sur l'île, il n'y a qu'un seul hôtel de touristes, un quatre étoiles, construit dans le dernier jeu de paume de Paris, nuitée chambre simple: 600€.
On trouve aussi de beaux frappoirs, une horloge solaire, de sublimes sculptures et aussi le dernier abreuvoir de la capitale...
Sébastien Mercier du XVIII a écrit que "l'île Saint Louis est le seul endroit dans Paris où il n'y a pas de putain", car c'était trop petit et que tout le monde se connaissait...